Présidentielle en Turquie : l'article à lire pour comprendre les enjeux d'un scrutin crucial pour Recep Tayyip Erdogan

Des élections aux airs de référendum “pour ou contre Erdogan”. Les Turcs sont appelés aux urnes, dimanche 14 mai, pour élire leur nouveau président. Ils devront départager trois candidats, dont l’éternel Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, et le prometteur Kemal Kiliçdaroglu, qui rassemble derrière lui la quasi-totalité de l’opposition. Dans le cas où aucun candidat n’obtiendrait la majorité au premier tour, un deuxième tour se tiendrait le dimanche 28 mai.

Après avoir mis sur pause sa campagne à cause d’une grippe intestinale fin avril, Erdogan est réapparu trois jours plus tard, plus déterminé que jamais. Poursuivra-t-il son règne sur la Turquie après avoir fait plonger le pays dans une grave crise économique ? En cas de victoire, quelles réformes son adversaire compte-t-il mener ? On vous explique les enjeux de l’élection présidentielle en Turquie, qui oppose démocrates et conservateurs.

Qui sont les candidats en lice ?

Parmi les trois candidats en lice, deux dominent les sondages. D’un côté, le président sortant, Recep Tayyip Erdogan, qui aligne les mandats depuis 2003, d’abord en tant que Premier ministre, puis comme président depuis 2014. Ce conservateur nationaliste et islamiste, à la tête du Parti de la justice et du développement (AKP), a opéré un virage autoritaire au fil des années. Il a réduit les droits des femmes, répondu par la violence aux mouvements contestataires et mène une guérilla dans les régions kurdes du pays. Pour cette élection, Erdogan s’est tourné vers les partis islamistes d’extrême droite pour former l’Alliance populaire.

Son principal opposant est le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, président du Parti républicain du peuple (CHP). Il est à la tête d’une coalition inédite de six partis, nommée la “Table des six” (ou Alliance de la nation), qui réunit à la fois des conservateurs et des libéraux, des islamistes et des laïcs, des nationalistes et des pro-Européens. Kemal Kiliçdaroglu, qui s’est défini il y a treize ans comme “la force tranquille”, en clin d’œil au slogan de l’ancien président français François Mitterrand, promet un virage démocratique en cas de victoire. Ouvertement alévi, une minorité religieuse victime de discriminations en Turquie, il promet de mettre fin aux “disputes confessionnelles qui ont fait souffrir” le pays, à majorité sunnite.

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Le dernier candidat en lice est l’ancien député d’extrême droite Sinan Ogan, qui dirige une coalition de cinq groupes ultranationalistes, dénommée Alliance des ancêtres. Jusqu’à jeudi 11 mai, Muharrem Ince, instituteur de 59 ans, était lui aussi dans la course à la présidence. Mais à trois jours du scrutin, il a annoncé le retrait de sa candidature. Une décision justifiée par la peur de voir l’oppostion “rejeter toute la faute sur lui” si elle venait à perdre. Autrefois candidat du CHP, il portait cette fois-ci les couleurs de son propre mouvement, le Parti de la nation (Memleket).

Selon le site Politico (en anglais), qui a regroupé les résultats de plusieurs enquêtes d’opinion, Kemal Kiliçdaroglu est crédité à 50% des intentions de vote, ce qui lui offrirait la victoire dès le premier tour. Il devance Recep Tayyip Erdogan (46%), Sinan Ogan (3%), et Muharrem Ince (2%), qui était encore inclus dans les derniers sondages. 

Erdogan est-il réellement menacé ? 

Erdogan reste haut dans les sondages, “même si tout ceci peut s’avérer trompeur”, souligne Hamit Bozarslan, historien spécialiste de la Turquie et chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Comment l’expliquer ? “En Anatolie profonde, il y a une population ultra-conservatrice, qui soutient le modèle de société autoritaire bâtie par Erdogan, suggère-t-il. La démobilisation et le vote par habitude peuvent aussi expliquer sa popularité dans les sondages.”

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Malgré cette fidélité, “c’est la première fois que la victoire personnelle d’Erdogan n’est pas assurée, affirme Ahmet Insel, politologue et éditeur turc. La crise économique pèse beaucoup dans les sondages”. La population turque est en effet durement frappée par l’inflation, encore de 50% sur un an en mars, après avoir atteint le pic de 85% en octobre 2022, selon les données officielles (en turc). Et la politique du président sortant – qui s’est acharné à baisser les taux d’intérêt pour favoriser la croissance, au détriment de la hausse des prix – n’y est pas pour rien, constate Didier Billion, spécialiste de la Turquie et directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). 

“Tous ceux qui votaient Erdogan pour des raisons économiques ne vont pas le faire cette fois, car ils le rendent responsable de la dégradation de leur vie quotidienne.”

Didier Billion, spécialiste de la Turquie

à franceinfo

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