Glyphosate : "Il faut écouter l'Inserm, madame Borne", interpelle Générations futures qui s'inquiète du feu vert des experts sanitaires européens pour son renouvellement

“Il faut écouter l’Inserm, madame Borne”, a lancé vendredi 7 juillet sur franceinfo François Veillerette, porte-parole de l’association de défense de l’environnement Générations futures et co-auteur du livre Pour en finir avec les pesticides, publié en 2022 aux éditions Terre Vivante. Les experts de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ont donné leur feu vert pour renouveler l’autorisation du glyphosate au sein de l’Union européenne. Pourtant, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) souligne les effets cancérogènes possibles de cet herbicide controversé.

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“C’est surprenant que l’Agence de sécurité sanitaire européenne continue à ne pas regarder les études correctement”, a-t-il déclaré. L’Efsa estime que le glyphosate ne présente pas de “domaine critique de préoccupation” empêchant le renouvellement de son autorisation, mais observe toutefois plusieurs lacunes et des questions en suspens, qui devront “être prises en compte par la Commission européenne et les États membres” lors de la prochaine étape qui décidera de son renouvellement. L’autorisation actuelle du glyphosate court jusqu’au 15 décembre.

franceinfo : Faut-il s’attendre à un avis favorable pour autoriser le glyphosate pour cinq années supplémentaires ?

François Veillerette : Il est extrêmement important de continuer à souligner les faiblesses de cette évaluation pour convaincre les États qu’il ne faut pas réautoriser le glyphosate, notamment parce que, comme le signale l’Inserm, c’est un produit qui a des effets génotoxiques, c’est-à-dire qu’il a la capacité également de conduire à des effets cancérogènes. C’est maintenant la recherche médicale publique française à l’Inserm qui le dit, après le Centre international de recherche sur le cancer. C’est surprenant que l’Agence de sécurité sanitaire européenne continue à ne pas regarder les études correctement et à ne pas regarder toute la science pour pouvoir tirer les mêmes conclusions que l’Inserm. Mais on va s’employer à le répéter au gouvernement français dans les mois qui viennent.

Sur quelle base ces experts européens désavouent l’avis de l’Inserm ?

Ils n’ont pas la même façon de regarder la science tout simplement. Les experts de l’Inserm et du Centre international de recherche sur le cancer regardent l’ensemble des études universitaires publiées, les trient selon leur qualité, et puis, à partir des conclusions des meilleures études, selon des normes d’ailleurs qui sont claires et transparentes, il y a des conclusions qui sont aujourd’hui claires sur le glyphosate. Au niveau des agences sanitaires, ça ne fonctionne pas comme ça. Il y a un système de tri des agences qui est extrêmement défavorable aux études universitaires. En gros, sur plus de 7 000 études universitaires sur la toxicité du glyphosate à la fin du processus de sélection, il ne reste que 30 qui sont prises en compte réellement pour l’évaluation. Par rapport au nombre d’études fournies par l’industrie, ça ne pèse rien. Du coup, la balance pour peser le poids de la preuve scientifique penche mécaniquement du côté des études de l’industrie. Ce qui explique cette différence complètement radicale d’opinion.

Il y a un risque que ce pesticide se retrouve dans notre assiette ?

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Oui. Il peut se retrouver dans les assiettes. Il y a des choses qui sont encore plus inquiétantes dans ce rapport de l’Efsa publié hier. L’Efsa considère qu’il n’y a pas de point de préoccupation majeure. Mais il y a des manques de données qui eux-mêmes reconnaissent. Ils reconnaissent que l’évaluation du risque pour le consommateur, justement, n’a pas pu être finalisée parce que les données sur les résidus dans les cultures de rotation étaient incomplètes dans le dossier. C’est quand même assez surprenant de pouvoir dire qu’il n’y a pas de point de préoccupation majeure quand finalement l’évaluation n’est pas réellement terminée parce qu’il manque des données importantes.

Les lobbies peuvent-ils influencer la décision ?

Évidemment qu’il y a une pression énorme sur le glyphosate de la part des différents lobbies industriels agricoles puisque c’est le principal pesticide. En France, c’est 12 % à peu près des pesticides vendus. C’est une part de marché absolument colossale. Et c’est aussi la clef de voûte technique du système agro-industriel, parce que ça permet de désherber les grandes surfaces très vite, de manière efficace et peu chère. Ça permet de tenir ce système qui est basé sur l’existence de fermes de très grandes surfaces maintenant en France. Le système agro-industriel s’accroche au glyphosate parce que ça lui permet de perdurer à prix faibles. Mais normalement, la législation sur les pesticides est claire. On ne peut pas mettre sur le marché un produit s’il y a des effets indésirables sur l’homme ou sur l’environnement, donc on ne peut pas les homologuer si on n’a pas la certitude que tous les points d’incertitude sont levés. Or, dans ce rapport fourni par l’Efsa, il y a des tas de points d’incertitudes. Et puis il y a cette question du cancer qui reste pour nous fondamentale puisque pour nous, l’Efsa ne regarde pas la science correctement.

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Quelle est la position du gouvernement ?

La position de la France semble être un alignement sur l’avis de l’Efsa. On veut aujourd’hui mettre en garde le gouvernement français, et madame Borne en particulier, sur le fait que cet avis de l’Efsa n’est pas satisfaisant au niveau scientifique parce qu’il ne prend pas en compte comme il faut le risque cancérogène. Que la France et le gouvernement fassent confiance à sa recherche médicale publique. Il faut écouter l’Inserm, madame Borne, c’est ce qu’on a vraiment envie de lui dire. On ne peut pas non plus se contenter d’un rapport dans lequel il manque des tas de données sur la biodiversité ou sur la santé humaine et regarder ailleurs en considérant que tout va bien. La sagesse et la rationalité aujourd’hui, c’est de voter contre l’arrêt d’homologation du glyphosate pour toutes ces raisons.

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