Le lac Victoria, un «piège mortel» pour les navigateurs et les pêcheurs

L’Afrique des Grands Lacs est souvent le théâtre de fréquents et graves accidents de navigation, comme l’expliquait le 30 mai 2018 pour la rivière Momboyo, affluent du fleuve Congo en RDC, notre confrère de Géopolis, Jacques Deveaux. Un naufrage sur la Momboyo avait alors fait plusieurs dizaines de morts. «Les causes sont toujours les mêmes: surcharge et vétusté des embarcations, non-respect des règles essentielles de sécurité. Souvent, les drames se déroulent la nuit, avec des embarcations dépourvues d’éclairage», expliquait alors Géopolis.

De nombreux naufrages émaillent également l’histoire du lac Victoria, source du Nil blanc (qui se réunit avec le Nil bleu au Soudan pour former le majestueux fleuve Nil), d’une surface de 70.000 km² (environ 250 km sur 300).

Le nom du Lac, qui fait référence à la reine Victoria, lui a été donné par le Britannique John Hanning Speke, lequel fut le premier Européen à l’atteindre en 1858. Poumon économique pour cette région de l’est de l’Afrique, c’est une source de revenus et d’emplois pour plus de 30 millions de personnes en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie, les trois pays qui le bordent.

De nombreux ferrys, bateaux de pêche et autres navires, le sillonnent chaque jour, reliant ses principaux ports côtiers et ses îles. Pour autant, les autorités sont peu regardantes sur la sécurité et les registres de passagers sont lacunaires.

Depuis le début des années 2000, une dizaine de naufrages y ont entraîné la mort de plusieurs dizaines de personnes. Le lac a connu sa plus grave tragédie le 21 mai 1996. Quelque 800 personnes avaient alors péri dans le naufrage du Bukoba, à environ cinq milles nautiques (9 kilomètres) au large de Mwanza, en Tanzanie, selon un décompte de la Croix-Rouge. Le ferry n’était homologué que pour transporter 441 passagers.

Sauveteurs tanzaniens près de l’épave du «MV Nyerere» le 21 septembre 2018. Le ferry a coulé le même jour dans le lac Victoria. ( Reuters TV/via REUTERS)

Le ferry MV Nyerere, qui a coulé le 20 septembre 2018, assurait la liaison entre l’île Ukara et celle, située juste en face, d’Ukerewe, qui abrite la localité de Bugolora, où les habitants d’Ukara viennent régulièrement s’approvisionner. Les causes de l’accident n’étaient pas établies au lendemain du drame.

Comme en haute mer…
D’une manière générale, la navigation sur le lac Victoria, comme sur les autres grands lacs de la région, peut s’avérer aussi périlleuse qu’en haute mer lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Les accidents se soldent souvent par des bilans très lourds, en raison de l’absence de gilets de sauvetage à bord. Et du fait qu’une grande proportion de la population ne sait pas nager.

Les violentes tempêtes qui frappent le lac Victoria provoquent aussi de nombreux naufrages de bateaux de pêche. Quelque 3000 à 5000 pêcheurs meurent chaque année dans ces intempéries, souvent des orages nocturnes intenses, estime le Comité international de la Croix-Rouge. 200.000 pêcheurs vivraient dans la région.

Selon une étude parue en 2016 dans Nature, chaque victime laisse en moyenne huit personnes sans revenu. «Ce qui souligne la vulnérabilité des communautés de pêcheurs (de la région) aux risques naturels.»

Des sauveteurs tanzaniens après le naufrage du «MV Nyerere» le 21 septembre 2018. (Reuters TV/via REUTERS)

A l’avenir, le dérèglement climatique devrait amener des tempêtes encore plus fréquentes et dangereuses sur le grand lac, observe le document. Les «super-tempêtes» exceptionnelles, qui se produisent en moyenne tous les 15 ans, pourraient devenir annuelles d’ici la fin du siècle, estime-t-il.

En juin 2016, un journal kényan, The Standard, décrivait le lac Victoria comme «un piège mortel malgré de lourds investissements pour le rendre plus sûr».